Une atmosphère de tension palpable règne à l’Hôtel de Ville de Kinshasa, suite à un rappel à l’ordre administratif particulièrement ferme et médiatisé.
Au centre de cette tempête, Jésus-Noël Sheke, le ministre provincial du Plan, Budget, Emploi et Tourisme, qui a publiquement recadré Israel Mutala, le Directeur de cabinet du Gouverneur. L’objet du litige est un présumé dépassement de compétences, une affaire qui met en lumière les délicates et parfois complexes questions de prérogatives et de chaîne de commandement au sein de l’administration provinciale. Cette controverse, qui a rapidement enflammé les réseaux sociaux après la fuite d’une correspondance officielle, révèle des frictions significatives au sein de l’exécutif kinois et soulève des interrogations fondamentales sur la bonne gouvernance et l’efficacité des institutions de la capitale congolaise.
Il ne s’agit pas seulement d’une querelle de personnes, mais d’une confrontation sur les principes de gestion et de la répartition des pouvoirs.
QUAND LA LIGNE HIÉRARCHIQUE EST PERÇUE COMME BAFOUÉE
La racine de cette controverse réside dans une initiative prise par Israel Mutala, le Directeur de cabinet du Gouverneur.
Selon la correspondance incriminée, devenue virale sur les réseaux sociaux, Mutala a convoqué les chefs de divisions urbaines à une réunion d’une importance capitale, prévue pour le 10 juillet 2025.
L’ordre du jour de cette rencontre était centré sur les rapports mensuels des recettes du premier trimestre 2025, un domaine qui relève par essence des compétences financières et budgétaires.
Ce qui a provoqué l’ire du Ministre Jésus-Noël Sheke, c’est que cette convocation a été lancée expressément sans l’implication des ministères sectoriels compétents.
Une démarche que le Ministre dénonce avec véhémence, la qualifiant d’empiétement flagrant et inacceptable sur les prérogatives exclusives des ministres provinciaux, qui sont, par définition, les responsables politiques et administratifs de leurs portefeuilles respectifs.
Jésus-Noël Sheke a tenu à réaffirmer avec force un principe fondamental de l’organisation administrative : le Directeur de Cabinet n’a, en aucun cas, une autorité administrative directe sur les divisions en charge des finances.
Pour le Ministre, la chaîne hiérarchique est limpide et doit être scrupuleusement respectée : seuls les ministres sont habilités à convoquer des réunions techniques d’une telle portée, à exiger des rapports budgétaires et financiers, et à donner des directives opérationnelles à leurs services sous tutelle.
Ce rappel à l’ordre, bien que potentiellement perçu par certains comme une rigidité bureaucratique, est défendu par ses partisans comme une réaffirmation nécessaire de l’autorité ministérielle et une tentative salutaire de rationaliser les circuits administratifs au sein de l’Hôtel de Ville.
L’objectif est clair : éviter la confusion des rôles et garantir que les décisions soient prises par les entités légalement et techniquement compétentes.
La clarté des rôles est essentielle pour la performance et la crédibilité de l’administration.
UNE MENACE DE SAISINE DU GOUVERNEUR
La correspondance de Jésus-Noël Sheke n’est pas qu’un simple recadrage formel ; elle contient également une mise en garde explicite et lourde de sens. Le Ministre exige officiellement qu’Israel Mutala s’abstienne à l’avenir de toute initiative relevant des compétences techniques ministérielles, marquant ainsi une limite claire et non négociable.
Mais plus encore, pour souligner la gravité de la situation et sa détermination à faire respecter les principes de gouvernance, Jésus-Noël Sheke menace de saisir directement le Gouverneur Daniel Bumba si de telles pratiques venaient à persister.
Cette menace de recours à l’autorité supérieure du Gouverneur suggère que le conflit dépasse largement le simple cadre administratif.
Il prend une dimension politique où l’arbitrage du chef de l’exécutif provincial deviendra indispensable pour clarifier définitivement les rôles, restaurer la discipline au sein de son équipe et éviter de futures interférences qui pourraient paralyser l’action gouvernementale.
Cette affaire rend patent les tensions potentielles et souvent inévitables entre les directeurs de cabinet, qui, en tant que bras droits et collaborateurs directs des Gouverneurs, peuvent parfois exercer une influence considérable, et les ministres provinciaux, qui sont les garants des responsabilités opérationnelles et sectorielles de leurs portefeuilles.
La délimitation précise et respectée des compétences est cruciale pour assurer la fluidité, la transparence et l’efficacité de l’administration provinciale.
La persistance de pratiques où les lignes de commandement sont floues, comme le souligne le Ministre Sheke, pourrait non seulement créer de la confusion, mais aussi saper l’autorité légitime des ministres, démobiliser les services sous leur tutelle et, à terme, fragiliser la gouvernance de la province de Kinshasa tout entière. L’issue de cette confrontation dépendra de la fermeté du Gouverneur Daniel Bumba à faire respecter les principes de bonne gouvernance et à garantir une coordination harmonieuse au sein de son équipe, essentielle pour le développement de la capitale.